"En tant que tatoueur, j'arrive à combiner l'aspect graphique et l'aspect artistique."

Interview avec Lieven André

28 novembre 2023

Lieven André est un graphiste bruxellois qui s'est reconverti dans le tatouage. Son style se caractérise par des créations colorées et plutôt insolites. Cette dimension colorée, il la partage avec l'artiste et designer espagnol Jaime Hayon. C'est pourquoi MAD Brussels invite le tatoueur Lieven André les 7 et 8 décembre pour 2 journées flash tatouage. Une occasion unique de se faire tatouer un dessin exclusif de Jaime Hayon par Lieven André. Curieux·se de connaître le style, l'histoire et la vision de Lieven à travers ses tatouages ? MAD s'est entretenu avec Lieven André.

Pouvez-vous vous présenter ?

"Je m'appelle Lieven André et j'ai 28 ans. Je suis graphiste de formation. En tant que freelance, j'ai travaillé pendant plus ou moins 5 ans dans divers secteurs comme l'architecture, la mode et la restauration. Puis je me suis réorienté pour devenir tatoueur, profession que je pratique depuis maintenant 3 ans. Il y a 2 ans, j'ai ouvert mon salon à Bruxelles. En plus du tatouage, je suis toujours actif en tant que graphiste et peintre."

 

Pourquoi êtes-vous passé de graphiste à tatoueur ?

"En tant que graphiste, vous êtes beaucoup moins libre que dans le tatouage, surtout sur le plan créatif. Les gens s'attendent à ce qu'un graphiste soit quelqu'un qui maîtrise principalement les compétences techniques pour créer une carte de visite, un logo ou un flyer. Ils ne tiennent pas compte de l'aspect artistique du graphiste. L'état d'esprit des gens n'est pas le même pour la conception d'un tatouage que pour celle d'un logo. Cela fait cinq ans que je suis très frustré par cette situation. En tant que tatoueur, j'arrive à combiner l'aspect graphique et l'aspect artistique. J'ai trouvé le bon équilibre."

Où puisez-vous votre inspiration pour vos créations ?

"Je m'inspire beaucoup de la mode, de l'architecture, de l'histoire de l'art et de l'art en général. Je visite souvent des galeries et des expositions. De plus, mon petit garçon, qui aura bientôt 7 ans, m'inspire quotidiennement. À son âge, il a une façon différente de voir le monde. Il stimule un peu mon esprit d'enfant. À l'école, il fait parfois des dessins avec toutes sortes de combinaisons de couleurs que je trouve vraiment folles et auxquelles je n'aurais jamais pensé auparavant. Je pense que nous sommes inspirés tous les jours, et c'est pourquoi nous manquons parfois d'inspiration. Quand on a une mauvaise journée ou qu'on est fatigué, par exemple."

 

Comment compareriez-vous votre travail à celui de Jaime Hayon ?

"Pendant mes études de graphisme, j'ai beaucoup dessiné avec Illustrator. Mon style de dessin était très proche de celui de Jaime Hayon. Ses dessins ont toujours quelque chose d'enfantin, presque surréaliste. Je trouve cela très intéressant. Nous avons beaucoup de choses en commun, mais aussi quelques différences. Pour mes tatouages, je travaille avec des formes très simples, des blocs, mais toujours avec beaucoup de couleurs. Jaime, quant à lui, travaille avec des formes flexibles, courbes et organiques. D'un côté, il y a donc un contraste, mais aussi une similitude en raison de la dimension colorée. Dans l'exposition, on voit également un mélange de couleurs, des combinaisons auxquelles les gens ne pensent pas forcément, mais dont je comprends l'association."

Avez-vous déjà collaboré avec d'autres artistes lors des journées flash ?

"Tout à fait, j'ai déjà collaboré avec plusieurs autres personnes pour des journées flash. Par exemple, j'ai déjà organisé un événement avec Encré. Mais aussi des journées flash en collaboration avec un bar, un magasin de vêtements vintage et un fleuriste. Prochainementt, j'organiserai aussi une journée flash avec un coiffeur. J'essaie toujours de combiner le tatouage avec d'autres secteurs. C'est génial de mélanger deux secteurs, tous deux liés à l'art, mais qui n'ont rien à voir. Je constate également qu'il y a de plus en plus de journées flash qui sont organisées. Et je pense que plus nous les organisons, plus elles seront visibles et plus la demande augmentera."

Selon vous, ces tatouages spontanés sont-ils de plus en plus populaires ?

"Autrefois, les gens réfléchissaient beaucoup plus à un tatouage et laissaient mûrir leur idée pendant quelques mois. Ils cherchaient ensuite quelqu'un qui pourrait tatouer leur idée. Aujourd'hui, l'approche est différente. Les gens recherchent un artiste dont ils aiment le style et dont ils veulent voir le dessin sur leur corps. En tant que tatoueur, vous disposez d'une toile presque vierge sur laquelle vous pouvez laisser libre cours à votre créativité. Il y a moins de réflexion dans un tatouage, nous sommes passés de la réflexion à l'action."

"J'illustre moi-même cet exemple. J'ai modifié beaucoup de mes tatouages. Parce qu'à l'époque, je pensais beaucoup au symbolisme qu'ils représentaient. Mais en vieillissant, mon point de vue a changé. Nous évoluons, nous commençons à penser différemment, y compris en ce qui concerne la symbolique de nos tatouages. Un tatouage spontané, réalisé par un artiste dont on aime le travail, a moins de chances d'être regretté. Pour moi, cela montre que nous sommes plus libres, que l'art nous touche plus largement et que tout ne doit pas être calculé."

"Le concept des journées flash est original et très spontané. Tout d'abord, parce que les tatouages qui y sont proposés uniques. Venir à une journée flash, c'est aussi prendre part à un univers. Je trouve la spontanéité d'un événement flash day super intéressante. Pour moi, c'est vraiment un signe de liberté personnelle que de faire partie d'un environnement artistique. Et de la sorte, vous soutenez aussi un peu le secteur artistique."

Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail de tatoueur ?

"Un tatoueur est en quelque sorte considéré comme un peintre. Je pense que le plus bel aspect de ma profession, c'est que les gens viennent me voir pour leur tatouage, qu'ils choisissent de mettre mon travail artistique sur leur corps et qu'ils sont très heureux après. Nous marquons les gens pour la vie avec notre art. C'est comme une toile, mais vivante. Le tatouage évolue avec la personne. Je trouve cela extrêmement puissant."