Découvrez Stephanie D'Heygere, directrice créative de D'heygere. Son nom est synonyme d'accessoires et de bijoux innovants dans le monde de la mode et du design. Avec une expérience riche au sein de grandes maisons de couture et un engagement déterminé pour l'innovation, elle s'est fait une place dans le milieu de la mode. Découvrez la conversation que MAD Brussels a eue avec Stéphanie !
Pouvez-vous nous en dire davantage sur vous-même et sur le chemin que vous avez parcouru jusqu'ici ?
"Je viens de Courtrai et j'ai obtenu mon diplôme à l'Académie de Mode d'Anvers. Par la suite, j'ai fait de nombreux stages auprès de plusieurs marques bien connues, ce qui m'a permis d’acquérir une meilleure compréhension des différentes options et secteurs qu’offre l'industrie de la mode. Maison Margiela était l’une des grandes marques où j'ai réalisé un stage dans les accessoires, et c’est là que tout a commencé pour moi. J’étais ravie de me découvrir une passion pour les accessoires là-bas ! J’ai eu mon tout premier vrai travail chez Maison Margiela, où j'ai exercé pendant environ 4 à 5 ans. Cette expérience formidable m'a permis de m'installer confortablement à Paris, j'étais donc déterminée à y rester. Ensuite, j'ai travaillé pendant 2 ans en tant que freelance pour d'autres grandes marques telles que Jill Sander, Y/project, Vêtements,... avant de revenir à un emploi fixe chez Dior pendant un an. Après cette période, j'ai repris le travail en freelance et j'ai ressenti un besoin de nouveauté. Force de mon expérience accumulée, j'ai alors commencé à envisager de créer ma propre marque.
Après un an de préparation, j'ai lancé ma propre marque 'D'heygere', en 2018. En parallèle de mon travail de freelance, je lui consacre toujours une part importante de mon quotidien. Récemment, j'ai entrepris quelque chose de complètement nouveau, à savoir la création d'un espace de coworking à Anvers. Ce défi inédit m'a beaucoup plu, c'est pourquoi je suis en train d’évaluer la possibilité de poursuivre la conception d’objets à l'avenir. Bien sûr, c'est un domaine que je ne connais pas encore très bien, mais j'ai envie d’explorer de nouveaux horizons. Je crois fermement que nous aspirons toujours à laisser notre empreinte dans tout ce que nous entreprenons, et donc, l’avenir nous réserve encore bien des surprises. "
En plus de votre travail de freelance, vous avez également beaucoup collaboré avec de grandes marques. Pouvez-vous nous décrire comment ces collaborations ont été initiées et en quoi elles vous ont inspirée et confrontée à de nouveaux défis ?
"J'adore les collaborations ! Lorsque nous cherchons des partenaires, nous ciblons des marques qui possèdent une expertise que nous n'avons pas, surtout en ce qui concerne un produit spécifique. Notre collaboration avec Gentle Monster illustre un bon exemple de ceci. Cela faisait longtemps que je voulaus me lancer dans la conception de lunettes, mais je n'avais évidemment pas toute l'expertise requise pour y parvenir. C'est pourquoi une collaboration avec Gentle Monster semblait être une excellente option. J’ai ensuite envoyé un e-mail avec une présentation en espérant qu'ils seraient intéressés, ce qui s’est avéré être le cas. "
Dans vos créations, l'humour est une composante récurrente et vous adoptez une approche ludique des objets du quotidien. Comment percevez-vous l'évolution de l'humour au sein de l'industrie de la mode ?
"L'humour a toujours été un élément essentiel de mon approche. J'apprécie les personnes qui sont dotées du sens de l'humour. Rire est tout simplement une expérience formidable ! Dans la mode, je trouve crucial de ne pas prendre les choses trop au sérieux. Si l'on parcourt l'histoire de la mode, on constate que l’humour a toujours joué un rôle, comme chez Schiaparelli lorsqu'elle a lancé sa marque. Bien que toutes les marques n’embrassent pas spécialement cet aspect, l’humour a toujours été présent dans l'industrie de la mode. Je ne pense donc pas qu’il s’agisse forcément d’une évolution de l’humour dans la mode, pour moi c’est plutôt lié à la personnalité des designers. En fin de compte, c'est au client de décider si cela les intéresse ou non !"
Dans notre prochaine exposition 'Fashion Moves', vous exposez deux pièces, l'une en collaboration avec Souvenir Officiel et l'autre avec Deewee. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette collaboration avec Deewee ? Comment cela s'est-il concrétisé et d'où vient votre inspiration ?
"La collaboration avec Deewee a été l’accomplissement d’un rêve pour moi. Depuis mon adolescence, j'étais déjà une grande fan de Soulwax et plus tard, de 2ManyDJs. J’ai eu l’occasion de mieux connaitre les membres de Deewee. Il semblait qu'ils étaient également intéressés par ma marque et mon approche esthétique, et nous avons simplement commencé à discuter. Ensuite, la réouverture du Musée de la Mode d'Anvers approchant, Flanders DC souhaitait associer des designers à d'autres créatifs. J'ai tout de suite pensé que c'était l’occasion parfaite de collaborer avec Deewee, et cela est arrivé au moment propice. Le design devait naturellement être un accessoire en lien avec leur musique, j'ai donc eu l'idée d'une bague-sceau contenant une clé USB avec un morceau exclusif d'eux. Cette chanson ne peut être écoutée que si l’on achète la bague ! Je pense que jusqu’à présent, seulement environ 80 personnes connaissent cette chanson.
Nous avons exposé nos pièces lors de la réouverture du MoMu, avec une possibilité d'achat. Ceci étant, nous n’avions vendu qu’une seule bague. J’ai alors ressenti une pointe de désarroi, en me disant : « Oh non, c'est un désastre ! » Quelques temps plus tard, après la réalisation d’une campagne photo conjointe et le lancement officiel sur nos réseaux, les ventes ont explosées: en un jour, tout était vendu, c’était vraiment bizarre. Cette expérience m’a enseigné que le succès d'un produit dépend de la manière dont il est présenté et de votre public cible."
Quelles sont vos sources d'inspiration ?
"Je puise une grande source d'inspiration dans les objets du quotidien que j'utilise dans la vie de tous les jours. Parfois, je crée un bijou pour répondre à un besoin pratique, explorant de la sorte des besoins assez variés (rires). Prenez par exemple nos Canister Hoops, ces boucles d'oreilles avec un petit tube dans lequel on peut y insérer quelque chose. Pour moi, les fleurs représentent l'une des plus belles choses au monde, mais il existe déjà de nombreux designs à leur sujet. J'ai donc cherché une manière innovante de les combiner avec un bijou. C'est ainsi que j'ai eu l'idée d'intégrer une fleur fraîche dans un bijou. Un autre exemple est notre photo cap, une casquette dans laquelle on peut insérer une photo. Je me souviens des gens qui conservaient autrefois des photos de leurs amis ou de leurs proches dans leur portefeuille, et je me suis dit : pourquoi tout le monde ne devrait-il pas avoir la possibilité de voir ces photos ? C'est ainsi que l'idée de placer ces photos sur une casquette m'est venue ! Ces petites fonctionnalités ne rendent peut-être pas nécessairement la vie plus facile, mais elles la rendent certainement plus amusante. Je suis également toujours attentive dans la rue, dans un café ou dans le métro, pour observer comment les autres personnes portent des choses ou les utilisent de manière créative. De petits détails comme quelqu'un glissant son billet de métro sous sa montre peuvent m'inspirer pour de nouvelles idées. En outre, l'art est également une source d'inspiration importante pour moi, surtout l'art teinté d'humour ou d'absurdité."
Quels conseils donneriez-vous aux designers débutants ?
"Je conseillerais d'abord de l'expérience dans le monde de la mode avant de lancer sa propre marque. Il est inestimable de comprendre comment tout fonctionne, comme les délais et le réseautage avec les fabricants. En travaillant dans l'industrie de la mode, vous rencontrerez de nombreuses personnes, telles que des stylistes, des photographes et des journalistes, qui sont toutes cruciales pour le lancement d'une marque. Il est important de faire à la fois des stages et de prendre de vrais emplois. Pendant un stage, vous apprenez beaucoup, mais vous ne faites pas partie intégrante de l'équipe. De plus, je ne pense pas qu'il soit nécessaire pour une marque de présenter quelque chose de complètement nouveau à chaque saison. Je crois au travail sur des concepts cohérents pour construire une véritable identité de marque. Parfois, cela peut sembler dommage, non seulement pour les fabricants qui investissent beaucoup de travail dans ces innovations, mais aussi financièrement. Je suis convaincue que ce n'est plus nécessairement le seul chemin vers le succès dans l'industrie de la mode contemporaine."