Macrame pull by The Zed / glasses by Anneleen Bertels
Macrame pull by The Zed / glasses by Anneleen Bertels© Mous Lamrabat

"Avant de créer quelque chose, j'ai toujours à l'esprit l'ambiance qui va de pair."

The Zed

18 août 2023

Au cœur de Molenbeek, le photographe Mous Lamrabat a créé des séries de photos en collaboration avec 12 designers bruxellois. Ces séries révèlent non seulement l’ode à la créativité qui émane de Bruxelles, mais aussi le brassage culturel qui caractérise notre ville. Le photographe Belgo-Marocain a trouvé son bonheur auprès de nombreux créateurs. Comme Kenza Taleb Vandeput, qui a jeté le pont  entre la Belgique et l’Algérie avec sa  marque Kasbah Kosmic. Ou encore le designer Siré Kaba, qui témoigne de ses racines guinéennes à travers sa marque Erratum Fashion. Mais aussi The Zed, Zehra, une artiste multidisciplinaire qui puise son inspiration de ses racines turques et qui souhaite que les gens se reconnaissent dans son travail. Nous nous sommes entretenus avec The Zed au sujet de son travail, de son inspiration et de ses rêves.

The Zed

Pouvez-vous vous présenter brièvement et décrire votre carrière jusqu’à présent ? Vous êtes-vous toujours intéressée à l’art et à la mode ?

"Je m'appelle Zehra et j'ai 32 ans. J'ai toujours été passionnée par l'art. Quand j'étais plus jeune, j'ai pris des cours de danse pendant plus de 10 ans. J'ai aussi créé des choses pour moi, j'ai dessiné des vêtements, je les ai personnalisés, je concevais de petits accessoires. Mon goût pour l'art et la création a donc toujours été présent. Par ailleurs, quand j’étais jeune, je ne me doutais pas que j’allais travailler plus tard dans l’art et la mode. A l’époque, la création s’avérait plutôt un hobby. Lorsque je suis entrée dans le monde professionnel et que j'ai pris conscience que je devais gagner de l'argent, j'ai commencé à y réfléchir davantage."

"Au cours de ma carrière professionnelle, j'ai dans un premier temps décidé d'obtenir un diplôme supérieur d'éducatrice spécialisée. Puisque je n'ai pas trouvé de travail tout de suite, j'ai commencé des études de stylisme. Au bout de deux ans, j'ai abandonné cette formation et j'ai commencé à travailler comme vendeuse pour une marque de vêtements, une nouvelle fois en relation avec le domaine de la mode. Ensuite, j'ai travaillé dans un centre d'appel lié à H&M. Mais pendant ce travail, j'ai fait un burn-out d’un an. Après ce burn-out, j'ai décidé de faire les choses différemment et de consacrer toute mon énergie à la mode et l'art. À l'époque, j'ai vraiment eu un déclic : je ne ferais plus jamais quelque chose que je n'aime pas. Je veux gagner de ma vie grâce à ma passion et mon talent. C'est à peu près comme ça que tout a commencé pour moi".

 

"The Zed" est-il un alter ego de Zehra ?

“Je ne distingue pas les deux. Je suis The Zed, et The Zed est mon univers. Je ne peux pas prétendre que j’ai une vision artistique différente de moi-même. Je place vraiment ma personnalité, mes émotions, mes pensées positives, mais aussi mes problèmes et mes ruptures au cœur de mon travail. C'est moi qui m'exprime, sous toutes mes facettes. Quand vous pénétrez dans le monde du Zed, vous me voyez, à 100 %".

Pouvez-vous nous expliquer un peu plus votre pratique créative, ce que vous créez exactement ?

"Je crée des pièces qui peuvent être des vêtements ou des accessoires, mais je ne peux pas me définir uniquement comme une créatrice de mode, car je ne couds pas. Il me plait à dire que je suis une 'artiste multidisciplinaire'. Je fais beaucoup de choses. Je préfère partir d'un matériau, qui peut être du fil, mais aussi des chaînes, des perles, en fait de nombreux matériaux que je peux recycler. Mais l'objectif de base reste de ne pas coudre, parce que je n'aime pas beaucoup cela".

"Mes œuvres constituent une grande partie de ma pratique. Mais à côté de cela, je crée également le concept visuel dans lequel j’imagine mes pièces. J'aime vraiment imaginer l'univers dans lequel je peux placer mon travail. Je ne me contente pas de créer une pièce et c'est tout. Avant de créer quelque chose, j'ai toujours à l'esprit l'ambiance qui va de pair. Ma créativité est très axée sur l'image. J'ai toujours à l'esprit des images de scènes, de décors, de couleurs, de lieux, de personnes qui peuvent porter mes créations. J'apprécie vraiment de permettre aux gens de ressentir et de voir ce que j'ai ressenti lorsque j'ai créé. Mon univers artistique n'est pas seulement le dessin ou la pièce, c'est tout ce qui l'accompagne, c'est ce qui me guide."

The Zed

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre travail dans le cadre de l'exposition A(R)MOUR ?

"Mous Lamrabat a utilisé deux de mes œuvres pour ses séries de photos qui fait partie de l'exposition A(R)MOUR. L'une d'entre elles est l'une de mes toutes premières créations. Avant de commencer à travailler sur cette pièce, j'avais en tête la combinaison de couleurs orange et bleu foncé. J'ai d'abord déterminé l'image globale, puis j'ai imaginé la pièce qui pourrait l'accompagnerCompte tenu de ma culture, j'ai choisi d'incorporer l'amulette Nazar, l'œil de perle, au sein de ma création. En turc, cette amulette est appelée "nazar boncuğu", c'est-à-dire "l'amulette du mauvais œil". L'œil bleu est censé détourner le mauvais œil. Pour cette pièce, l'inspiration et la création sont donc vraiment venues de ma propre culture."

"L'autre pièce exposée a été réalisée pour un client et il s'agit initialement d'un pull. Dans le tableau de Mous, il été utilisé sur la tête." 

 

Où puisez-vous l'inspiration pour votre travail ?

"J'ai toujours du mal à répondre à cette question. J'ai l'impression de ne pas vraiment recourir à une inspiration extérieure. J'ai plutôt l'impression que mon inspiration vient de moi-même. Tout est dans ma tête. Par exemple, je ne m'inspire pas des magazines de mode, des autres artistes ou des chanteurs. Je pense donc que je suis inspirée par mes émotions, mes pensées et mes impressions, les images que j'ai en tête, ma culture et les valeurs avec lesquelles j'ai grandi."

The Zed x Jérémie Makiese

Quel est le projet dont vous êtes le plus fier ?

“Je suis en réalité très fière d'un projet qui n'est ni un vêtement ni un accessoire. Il s'agit d'un projet vidéo que j'ai réalisé avec une trentaine d'artistes. Il s'appelle "Labyrinth". Nous avons tourné la vidéo dans le labyrinthe de C-mine, à Genk. Il s'agissait d'une collaboration avec des danseurs, des chanteurs, des acrobates, un peintre, des mannequins, ... J'ai travaillé sur la partie créative et j'ai contacté les rédacteurs et les vidéastes. Certains de mes dessins apparaissent également dans la vidéo. Mais je suis surtout fière de ce projet parce que c'est l'un des plus grands sur lesquels j'ai vraiment travaillé pendant plusieurs mois. C'était l'un de mes premiers projets à grande échelle et il a eu un impact sur moi en tant.”

“Les pièces dont je suis la plus fière sont une création en macramé bleu qui a été exposée dans le cadre de l'exposition "Youth Through The Lens" au MAD, Mais aussi une série de masques en fil que j'ai réalisés et qui ont été utilisés dans un clip de Jérémie Makiese. Il a gagné l'émission de télévision "The Voice" et a participé au concours de l'Eurovision il y a de ça un an.”

Model: Inès Dumbi

Avez-vous des conseils à donner aux jeunes débutants ?

"Le meilleur conseil que je puisse donner est le suivant : n'ayez pas peur de sauter le pas et de lancer votre entreprise. N'ayez pas peur de cette étape, même si celle-ci est fastidieuse. Et gardez toujours à l'esprit que tout le monde a des pannes. Il y a beaucoup de moments difficiles, où l'on se sent mal, mais c'est normal de se sentir comme ça. Et dans le réseau créatif, j'ai l'impression que tout le monde va pour le mieux, que tout le monde réussit, alors que ce n'est pas du tout le cas. Mais quand on a une panne, il ne faut pas abandonner. C'est ce que je me répète tous les jours".

 

Quel est l'avenir idéal pour The Zed ?

"L'avenir idéal pour moi serait tout d'abord de pouvoir vivre concrètement de ma pratique, car pour l'instant, je ne peux pas survivre uniquement grâce à mon travail créatif."

"Ce que je ne veux surtout pas, c'est que mes pièces soient seulement des vêtements que je vendrais à tout le monde et dans les magasins. Chaque pièce doit être considérée comme une œuvre d'art. Je veux que mes créations soient des pièces uniques, réalisées pour des artistes spécifiques. Ainsi, la chose la plus importante pour l'avenir serait de pouvoir collaborer avec beaucoup d'autres artistes, de créer des pièces pour d'autres artistes, de travailler sur leur direction artistique, leurs visuels, ... J'ai déjà fait cela dans le passé, mais à petite échelle. J'adorerais travailler avec des artistes internationaux de renom. C'est en quelque sorte mon objectif. "

“In addition, a big dream would be for my art to be known internationally. This by organizing exhibitions, fashion shows or other events around my universe. So that people recognize my work when they see it. That my universe tells stories in which people see themselves. I want to show that veiled women can also break through and be successful in the industry. And that I can inspire others."

"En parallèle, je nourris un grand rêve que mon art soit connu à l'échelle internationale. Cela en organisant des expositions, des défilés de mode ou d'autres événements autour de mon univers. Afin que les gens reconnaissent mon travail lorsqu'ils le voient. Que mon univers raconte des histoires dans lesquelles les gens s’identifient. Je veux montrer que les femmes voilées peuvent aussi percer et réussir dans l'industrie. Et que je peux inspirer les autres.”