Eunji Oh
Entre cuir et peau, silouhettes exposées et sanglées, Belgique et Corée, Eunji Oh incarne une dualité plurielle et détonante. Dans son approche de la maroquinerie, teintée d’humour et de positivité, la créatrice interroge la vulnérabilité du corps et de l’intime, envisageant le cuir en guise de seconde peau, au sens propre comme au sens figuré.
Eunji Oh est une designer d'accessoires d'origine belgo-coréenne. Elle obtient son diplôme en design industriel à La Cambre, où elle poursuit ensuite un master en accessoires. Actuellement, Eunji suit une formation de deux ans en maroquinerie au Campus Arts et Métiers de l'Institut Jeanne Toussaint pour approfondir ses compétences techniques, tout en participant en parallèle à divers concours et projets d’exposition, notamment au MAD Brussels dans le cadre du MAD Graduation Prize, puis plus tard à l’exposition collective Fashion Moves. Elle est nommée finaliste de l'ITS Contest (2023) et du Festival de Hyères, le festival international de la mode, de la photographie et des accessoires (2024) avec sa collection "Overweight".
“Je crée des sacs inspirés par la corporalité et les textures organiques du cuir, une matière vivante et noble que je travaille de manière responsable, pour minimiser l’impact environnemental.”
Saviez-vous que, dans l'industrie de la mode et du luxe, jusqu'à 50 % du cuir est jeté en raison de normes esthétiques strictes ? Ce constat n’a pas échappé à Eunji Oh, qui consacre son travail à la maroquinerie, pilier de cette industrie. La créatrice aborde le cuir avec un profond respect, consciente des enjeux environnementaux qu’il soulève. Cela l’incite à récupérer des chutes et des pièces de cuir délaissées et à collaborer avec des initiatives telles qu'Adapta Paris, qui redonnent vie à des stocks dormants. Pour Eunji Oh, sa pratique devient un acte de résistance face à ce phénomène de gaspillage, transformant des ressources négligées en créations uniques tout en repensant l’utilisation du cuir dans une démarche plus responsable. Pour elle, le cuir est bien plus qu'une simple matière ; il incarne la peau, le contact intime avec le corps. En travaillant ce matériau noble, la créatrice explore la tension entre vulnérabilité et force, présentant le cuir comme une seconde peau qui révèle la dualité entre protection et exposition inhérente à notre corps.
“Le corps parfait n’existe pas.” Ce constat, à la fois lourd de sens et sujet à controverse en raison des messages véhiculés par les réseaux sociaux, est revisité par Eunji Oh sous le couvert de l’humour et de la légèreté. Abordant ce fatalisme qui résonne chez bon nombre, elle intitule sa collection OVERWEIGHT, dévoilant, non sans une pointe d’ironie, des pièces sanglées qui illustrent de manière manifeste des formes boudinées et comprimées, symboles des contraintes imposées par les normes sociétales. Pour la créatrice, la gamme d’accessoires tend à souligner une tension sociale prévalente dans notre société : celle du corps emprisonné par des tissus restrictifs et celle d’un corps soumis au jugement extérieur s'il entend se dévoiler. Déclinée dans une palette épidermique, cette collection met également en lumière la notion de corporalité inclusive, établissant un dialogue fort entre les pièces et l’imagerie corporelle, tout en incitant à décomplexifier notre rapport à nous-mêmes.
À l'intersection des influences culturelles et des vécus personnels, la double nationalité belgo-coréenne d'Eunji Oh enrichit indubitablement son approche créative. Sa première collection, axée sur la portabilité, présente des sacs au design distinctif, petits, aux couleurs pastel, s’adressant à un public sensible à cette esthétique - non sans dissimuler son intérêt pour le marché asiatique, qu’elle envisage avec ambition pour l'avenir de sa marque. - En attendant, Eunji concentre ses efforts sur la Belgique, mettant en avant le savoir-faire des artisanes locaux·ales dont elle s'entoure et qui abondent dans le pays. Dans cette dynamique, elle projette de développer une seconde collection centrée sur le sur-mesure, permettant aux client·e·s de choisir leurs matériaux et de personnaliser leurs accessoires. Cette initiative cherche à nuancer son approche, intégrant des éléments autobiographiques dans ses créations et renforçant ainsi l'inclusivité qui caractérise les diverses identités. Ainsi, Eunji Oh conjugue ses racines coréennes avec son ambition créative, tout en célébrant l'artisanat de la maroquinerie belge, façonnant des pièces qui deviennent de véritables récits porteurs de diversité et d'identité.