Naomi Gilon est une artiste multidisciplinaire née en Belgique. Elle donne vie à des images, objets du quotidien, sacs à main, chaussures ou encore bougeoirs sous la forme de pièces en céramique. Dans ses œuvres, elle s'amuse à détourner le concept de beauté pour le mêler à des éléments mythologiques et d'horreur, des griffes par exemple.
MAD a discuté avec Naomi Gilon.
Peux-tu brièvement te présenter ?
« Je viens d’Arlon en Wallonie. J’ai étudié la peinture à La Cambre à Bruxelles puis je me suis installée dans mon atelier à Uccle. Il y avait là un atelier de céramique, j’étais curieuse d’apprendre ce médium. Je me suis formé totalement en autodidacte en observant les gestes des créatif·ves de l’atelier, leur différentes techniques et méthodes. Je me suis aussi formé à la cuisson au raku. »
« Je ne fais plus du tout de peinture sur toile mais les deux pratiques, peinture et céramique, sont quand même assez liées dans tout ce qui est recherche de la couleur et composition. La base de mon apprentissage en peinture me sert toujours énormément aujourd’hui. Même si d’un point de vue technique ce n’est plus le même rapport. Dans la peinture on utilise des pigments et pour la céramique on travaille avec des oxydes. Il y a quelque chose de plus chimique. Je travaille aussi avec du textile dans mes scénographies. »
« Je n'utilise pas de moule en plâtre. Je cherche à développer toujours ma propre technique et personnalité en céramique, apprendre de nouvelles méthodes. Je travaille avec les techniques de la plaque ou du colombin. »
Quelles pièces seront présentées lors de l’exposition Modern Craft ?
« Je vais présenter quatre pièces lors de l’exposition Modern Craft II. Vous pourrez les découvrir à partir du 15 décembre 2022 au MAD Brussels. Il y aura une paire de chaussures, réalisée dans le cadre du projet ‘The cow girl’. C’est un mélange entre l’univers du western et mon inspiration de la culture gore et horreur dans le cinéma. Ce qui est intéressant avec cette chaussure c’est qu’elle peut vraiment être porté, c’est une pointure 38.»
« Je présente aussi deux sacs. Je me suis intéressée à la réflexion autour de la connotation historique de l’objet. Les sacs symbolisaient, par exemple, les fluctuations du temps, des crises etc. J’ai lié cela à mon univers personnel des monstres et des cultures mythologiques. »
« Et enfin un bougeoir : autre facette de mon travail. Je crée ces pièces avec l’idée que ce sont des pièces accessibles, faciles à intégrer dans un intérieur. C’est un objet usuel à prix fixe car il me semble important de réduire la frontière entre le monde de l’art et des galeries et les amateur·ices ayant un budget moins élevé. »
Peux-tu expliquer le lien entre la céramique et la mode ?
« J’aime l’idée de partir d’un objet d’art, d’exposition, un objet figé et de lier cela avec quelque chose de totalement malléable, qui rentre dans un quotidien, quelque chose de pratique. C’est une confrontation entre la mode et la céramique. Une opposition entre les deux. C’est de la céramique c’est donc forcément fragile mais j’aime le risque que prend la céramique lorsqu’elle est portée. C’est quelque chose qui n’est plus figé et qui prend un rythme, un mouvement. La pièce prend toute sa connotation dans son rapport avec le corps de la personne qui va la porter. »
« Je ne fais pas vraiment une recherche au niveau de la mode mais d’un côté il y a certains traits propres à la mode qui sont intéressants à exporter dans l’art contemporain. Lorsqu’on fait des recherches chaque accessoire de mode a une symbolique. Par exemple avec mes chaussures en céramique j’ai analysé le rôle de la chaussure d'un point de vue historique. Au départ, c'était un ornement destiné à représenter le statut social et pendant de nombreuses années, il a été le symbole de la souffrance. »
« La mode c’est une chronologie, c’est le reflet d’un changement, d’une évolution. Dans mon travail je cherche constamment à m’interroger sur différents sujets, la mode, la vulgarisation des choses et l’impact sur les gens. »
Qu’est-ce qui inspire ta pratique ?
« Je m’inspire beaucoup de la culture populaire d’un point de vue sociologique. Je me suis d’abord plongé dans l’univers du tuning automobile, l’idée de personnalisation et ce que cela représente. En approfondissant le sujet et mes lectures je me suis intéressée au style cinématographique du gore et de l’horreur. C’est un univers ou les matières brutes, les inspirations animales et la recherche de textures sont impressionnantes. »
« Je puise aussi mon inspiration dans la mythologie nordique ou japonaise. Entre sublime et terreur, j’établis un processus d’hybridation. Et aujourd'hui, je m'inspire du monde de la mode. Je l'interprète d'un point de vue historique ; en étudiant les connotations que les objets ont.»
Observes-tu des changements, innovations dans la pratique de la céramique ?
« On part de techniques qui sont artisanales. Par exemple je crée mes pièces à partir des techniques de la plaque et du colombin. Mais lorsque l’on maîtrise les techniques de base on peut innover et améliorer sa pratique. C’est un médium qui permet beaucoup de recherches et de possibilités. »