© Eline Willaert

"Essayez de mettre en place une sorte de situation gagnant-gagnant avec les personnes avec lesquelles vous travaillez."

Sep Verboom

28 septembre 2022

Le designer industriel Sep Verboom (°1990) a fondé il y a quelques années le collectif Livable. Une plateforme qui regroupe les histoires des communautés et matériaux intéressants et où tant les designers que l'industrie sont impliqué·es. Le projet Capiz, qui se concrétise par une collection de lunettes, trouve sa place dans cette plateforme. Jusqu'au 5 novembre, vous pouvez découvrir le projet Capiz dans notre vitrine du MAD.

 Le MAD a parlé avec Sep de Livable, du projet Capiz, sa collaboration avec le fabricant de lunettes Breezm. 

Pouvez-vous vous présenter brièvement et décrire votre pratique du design ?

"Je m'appelle Sep Verboom. Je suis designer et fondateur de la plateforme Livable. Avec mes projets, je cherche à mettre l'accent, au sein du vaste secteur du design, au-delà de l'esthétique et de la finance, sur des valeurs telles que l'impact social et l'environnement. J'essaie de rééquilibrer ces valeurs à travers des projets avec différents partenaires de différents secteurs."

 

Vous avez fondé Livable, en quoi consiste cette plateforme ?

"Livable est en fait né d'un besoin que j'ai moi-même expérimenté en tant que jeune designer. À savoir qu'il y a très peu d'initiatives, de missions ou d'emplois auxquels on peut se connecter en tant que jeune designer. La plateforme est destinée à partager et à améliorer continuellement les expériences que moi et d'autres designers acquérons. Cela crée une sorte de réseau de personnes, de créateur·ices et de penseur·ses qui relèvent ensemble des défis sociaux. L'aspect intersectoriel, qui met en relation des personnes de différents secteurs, est important à cet égard."

"La plateforme se traduit par des projets. Au début de Livable, ceux-ci étaient plutôt des objets. Mais la plateforme s'est depuis transformée en une plateforme de conseils et de connaissances où nous mettons en relation des entreprises, des designers et des organisations. Nous invitons différent·es fabricant·es à faire partie de la plateforme. Nous partageons nos connaissances par le biais d'ateliers et de conférences. De cette façon, la plateforme vise à être un pont entre le·la designer et l'industrie pour que les collaborations s'épanouissent. De nombreuses entreprises et organisations veulent innover pour se connecter au contexte actuel. Il y a également beaucoup de jeunes talents. Mais ces jeunes designers ne peuvent souvent pas établir le bon contact avec ces entreprises. La plateforme veut donner un coup de pouce à ces designers."

 

Le projet Capiz, que vous exposez actuellement au MAD Brussels, s'inscrit-il également dans le cadre de la plateforme Livable ?

"Le projet est né d'un projet de recherche sur l'écosystème de l'huître capiz. Nous voulions identifier l'impact de ce matériau sur l'environnement et les humains en le réévaluant et en le reliant à d'autres secteurs. C'est en fait ainsi qu'est née l'idée conceptuelle de concevoir des lunettes. Tout d'abord, la collection de lunettes a été littéralement conçue comme une "image de campagne" pour promouvoir un nouveau point de vue sur l'huître de Capiz. L'objectif est d'encourager les designers, les entreprises et les entrepreneur·es à s'intéresser à ce matériau et à ses possibilités. C'est grâce à la collaboration avec la société Breezm que les lunettes sont devenues un objet fonctionnel. Au cours de cette collaboration, l'idée de produire une collection unique et limitée est née."

 

Comment est née la collaboration avec Breezm ?

"C'était pendant le corona. J'ai contacté de nombreuses entreprises belges pour le projet, pensant que ce serait le plus efficace. Mais finalement, c'est une entreprise sud-coréenne appelée Breezm qui a répondu avec le plus d'enthousiasme. Ils sont vraiment spécialisés dans les lunettes personnalisées et travaillent à un haut niveau dans ce secteur particulier. Après une première réunion avec eux, nous avons immédiatement commencé les premiers prototypes."

"Il est bien sûr dommage qu'aucune entreprise belge n'ait été enthousiaste pour cette collaboration, mais cela a donné au projet une sorte de couche symbolique pour moi. À savoir qu'en tant que designer, vous devez coopérer avec les personnes qui voient le potentiel d'un projet. Certaines barrières ne doivent pas vous retenir dans ce domaine." 

 

Qu'est-ce que la collaboration a apporté au projet ?

"J'avais l'idée, en tant que designer, de développer des lunettes. Mais les lunettes se sont avérées beaucoup plus complexes et je ne suis pas non plus un expert en lunetterie ou un opticien. J'ai donc beaucoup appris sur cette pratique de conception particulière au cours de cette collaboration." 

"Le design des lunettes est né en partie ensemble. Nous avons exploré ensemble les techniques possibles, et cela a évidemment influencé le design lui-même. Travailler avec Breezm nous a permis d'expérimenter avec le verre et l'huître. Au final, nous avons travaillé avec une monture en titane découpée au laser et avons cherché un moyen de la plier. En outre, l'utilisateur·ice peut changer lui·elle-même la lentille lorsqu'elle doit être remplacée, grâce à une pièce imprimée en 3D. C'est un voyage que nous avons parcouru ensemble et où beaucoup d'expertise a été réunie. Je pense qu'il est important, en tant que designer, d'être ouvert à de telles collaborations."

 

  © Aaron Lapeirre

Que souhaitez-vous que le projet Capiz apporte de plus ?

"Le projet initial de la collection de lunettes était d'éduquer les gens sur l'écosystème de l'huître de Capriz. Je le vois aussi comme une sorte d'appel à d'autres créateur·ices qui pourraient y voir une interprétation totalement différente. Ce serait formidable que d'autres créateur·ices travaillent avec les informations que nous fournissons afin que la recherche sur l'huître de Capriz se poursuive. C'est également ce que je souhaite réaliser avec la plateforme Livable."

 

Avez-vous des conseils à donner aux jeunes designers ? 

"Ne vous laissez pas abattre par certaines barrières. Et voyez aussi votre propre valeur et votre expertise. Réfléchissez à ce que vous avez à offrir et à ce que l'autre partie peut apporter et essayez de mettre en place une sorte de situation gagnant-gagnant avec les personnes avec lesquelles vous travaillez. Ce n'est jamais une seule partie qui décide de tout, mais toujours une interaction. Si vous pouvez encadrer cela d'une manière ou d'une autre, en fixant des valeurs égales entre les parties, je pense qu'il y a plus de chances de parvenir à une collaboration équilibrée."

  © Eline Willaert
  © Eline Willaert
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