"Dès le départ, nous avons aimé l’idée de détourner des éléments ordinaires"
Interview avec Paulineplusluis
Découvrez Pauline Capdo et Luis Bellenger, les créateur·ice·s du studio de design Paulineplusluis. Paulineplusluis est connu pour ses créations fonctionnelles, épurées et empreintes de poésie. Leur travail, inspiré par leur quotidien, explore des objets variés, allant de l'éclairage au mobilier, en réinventant des éléments ordinaires. Le duo français, nommé Designer of The Year 2024, intègre le programme MAD Incubator en résidence pour les deux prochaines années. Le 7 novembre 2024, MAD Brussels accueillera Pauline et Luis pour un "creative lunch". Nous avons échangé avec eux pour en savoir plus sur leur processus créatif et les inspirations qui nourrissent leur travail.
Qui se cache derrière Paulineplusluis ? Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours et sur la dynamique de votre collaboration ?
Nous sommes Pauline Capdo et Luis Bellenger. Nous avons commencé à collaborer en 2015, mais notre histoire remonte à nos années d’études : nous avons étudié ensemble d'abord à Saint-Luc à Tournai, puis à La Cambre à Bruxelles. Après nos études, nous avons décidé de lancer notre propre studio, "Paulineplusluis", un atelier de design d’objets, de mobilier et principalement de luminaires. Nous travaillons avec des marques, créons des pièces en auto-production et proposons également des projets sur mesure.
Tout a commencé à l’école. Nos premiers projets en commun ont pris forme sous des travaux d’étudiants, mais ils nous ont permis de tester notre compatibilité et d'explorer ensemble des idées. Dès le départ, nous avons aimé l’idée de détourner des éléments de l’ordinaire, de transformer des matériaux simples pour en faire des objets singuliers.
Durant nos études, l’atelier jouait un rôle central. On fabriquait des maquettes et des prototypes, souvent avec des matériaux de base, peu coûteux. Ce qui était d’abord une contrainte budgétaire est rapidement devenu un domaine d’exploration. Avec le temps, la transposition est devenue un élément de notre démarche, et aujourd’hui, notre style repose sur l’exploration de détails du quotidien pour créer des objets.
Comment parvenez-vous à harmoniser vos idées individuelles pour aboutir à une vision commune ?
Nos idées ne naissent pas forcément dans l’atelier. Elles émergent souvent lors de voyages, de balades à Bruxelles, ou en visitant une exposition. Ce sont tous ces moments du quotidien qui nourrissent notre inspiration. En fait, on a une sensibilité esthétique similaire: parfois, l’un·e de nous remarque un détail, le partage avec l’autre, et on en discute ensemble. Notre créativité repose donc sur un dialogue constant, et cette compréhension partagée fait que, souvent, on arrive rapidement à une idée qui nous plaît à tous les deux.
On reste attaché·e aux matériaux simples. Notre approche consiste à révéler la beauté cachée des matériaux ordinaires. Cette manière de faire provient de nos débuts en tant qu’étudiant·e·s, mais elle reste centrale dans notre pratique.
On aime que nos objets parlent d’eux-mêmes, sans chercher le luxe ou l'ostentatoire. On privilégie l’authenticité des matériaux, ce qui leur donne une vraie profondeur et fait écho à notre démarche initiale.
Vous allez bientôt fêter vos 10 ans d’activité. Parmi tous vos projets, lequel reste votre favori à ce jour ?
C’est difficile à choisir mais il y a un projet récent qui nous tient particulièrement à cœur. Au départ, nous collaborions essentiellement avec des marques. Maintenant, nous cherchons à diversifier notre activité, notamment avec de l’auto-production. Ce n’est pas systématique, mais lorsque nous trouvons une idée viable à produire, en alliant esthétique et coûts maîtrisés, nous aimons aller au bout du projet. Par exemple, notre lampe “Neon” incarne bien cette démarche. Elle symbolise dix ans d’expérience : du design à la communication, en passant par la production et la commercialisation. Donc, elle représente à la fois tout ce qu’on a appris à faire et tout ce qu’on aime faire. C’est le projet qui regroupe le plus de nos compétences acquises en dix ans. Et, étant donné qu’il rencontre du succès, il s’agit d’une grande fierté pour nous.
Il y a aussi le projet des bureaux d’accueil pour le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, réalisé l’année dernière. C’était nouveau pour nous, un projet d’aménagement avec une dimension plus architecturale. Cela nous a permis de travailler sur une échelle différente, et c’est quelque chose qu’on aimerait explorer dans le futur.
Vous utilisez fréquemment des matériaux simples et accessibles. Avez-vous déjà rencontré des défis inattendus avec certains de ces matériaux ?
Justement, c’est ce que nous aimons dans notre démarche: utiliser des matériaux ordinaires, souvent sous-utilisés. Parfois, on découvre des effets imprévus. Par exemple, pour l'une de nos lampes, nous avons utilisé des feuilles de papier d’impression. On s’est rendu compte qu’en éclairant ces feuilles, elles prenaient des teintes violettes, à cause des agents blanchissants ajoutés pour empêcher le jaunissement. Ce genre de surprises enrichit notre travail.
En effet, le vrai défi n’est pas tant dans le matériau lui-même mais plutôt dans la façon dont on le perçoit et l’utilise. Par exemple, des feuilles de papier ou des chemins de câbles ne sont pas forcément esthétiques en soi. Notre travail consiste à les transposer dans un contexte où ils prennent une dimension nouvelle, une valeur esthétique inédite.
Vous êtes résident·e·s au MAD Incubator pour les deux prochaines années. À quoi peut-on s'attendre ?
Nous avons plusieurs axes à explorer pour ces deux prochaines années. D’un côté, nous voulons continuer les collaborations avec de nouvelles marques, car cela nous permet de découvrir des savoir-faire et de travailler sur des typologies différentes. De l’autre, nous souhaitons développer davantage de produits en auto-production, comme nous l’avons fait avec la lampe Neon. Enfin, nous espérons travailler sur des projets sur mesure, entre l’objet et l’espace.
Lors du "Creative Lunch", nous parlerons de nos parcours personnels et des leçons tirées de chaque projet. L’idée est aussi de revenir sur notre parcours et de construire une histoire autour de notre studio, montrer comment, en dix ans, nous avons évolué pour en arriver là. Ce serait l’occasion de partager les hauts et les bas de notre expérience.